L’Hémochromatose : quand le fer devient l’ennemi du bien

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L’hémochromatose en France

La prévalence de l’hémochromatose en France est d’environ 5 pour 1000 et les hommes sont 3 fois plus touchés que les femmes.

Cette maladie génétique est liée à l’accumulation progressive de fer dans l’organisme. Les symptômes apparaissent généralement entre 30 et 40 ans chez les hommes, 50 et 60 ans chez les femmes.

Le développement de cette surcharge est dû à une déficience de l’hepcidine qui est l’hormone de régulation du fer. Elle est synthétisée par les hépatocytes et sa sécrétion dépend d’une protéine nommée HFE qui est mutée dans la majorité des hémochromatoses.

L’hepcidine permet de diminuer la concentration plasmatique du fer par inhibition de l’export du fer alimentaire stocké dans les entérocytes, et par inhibition de l’export du fer splénique stocké dans les macrophages. Une carence en hepcidine ou hypohepcidinémie provoque donc une augmentation du fer sérique pouvant conduire à une surcharge.

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La cascade physiopathologique de l’hémochromatose

Les mutations (HFE et non-HFE) entrainent le plus souvent un défaut de synthèse de l’hepcidine et plus rarement un état de
résistance à l’hepcidine.

Il se produit, dans un premier temps, une augmentation de la charge en fer de la transferrine, qui est la protéine transporteuse de fer dans le plasma. La transferrine, normalement, est en excès dans le plasma : la charge en fer de la transferrine (correspondant au coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf) en fer) est alors inférieure à 45%.

👉 En cas d’hémochromatose, le CS-Tf augmente et lorsque ce taux dépasse 45% une nouvelle forme de fer, dite fer non lié à la transferrine (FNLT) peut apparaître dans le plasma, qui a la propriété cinétique de cibler les différents organes parenchymateux et en tout premier lieu le foie.

CLASSIFICATION DES SURCHARGES EN FER HÉMOCHROMATOSIQUES

Les hémochromatoses liées au gène HFE

Présentes quasi exclusivement dans la population caucasienne, elles sont dominées par l’hémochromatose liée à l’homozygotie C282Y ou Hémochromatose de Type 1.

D’exceptionnelles situations d’hétérozygotie composite (C282Y/autre mutation de HFE) peuvent causer une hémochromatose mais dans la majorité des cas la surcharge en fer ne sera pas cliniquement significative.

Une personne sur 10 en France est hétérozygote C282Y et 1 /200 est homozygote C282Y : l’homozygotie C282Y est une condition nécessaire mais non suffisante pour que se développe une hémochromatose. On estime que 50% des homozygotes ont un trouble du métabolisme du fer nécessitant un traitement.

👉 On distingue 4 stades : 

• Stade 0 : Pas de symptôme, CS-Tf < 45% Ferritine N
• Stade 1 : Pas de symptôme, CS-Tf > 45% Ferritine N
• Stade 2 : Pas de symptôme, CS-Tf > 45%, Hyperferritinémie
• Stade 3 & 4 : Phase d’expression clinique, CS-Tf >45%, Hyperferritinémie

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Les hémochromatoses non liées au gène HFE

Rares, elles sont dues à des mutations entrainant une hémochromatose chez des sujets caucasiens ou non et parfois avant 30 ans.

HC avec surcharge en fer par manque d’hepcidine :
• Hémochromatose de Type 2 : Mutation du gène de l’hémojuvéline ou de l’hepcidine
• Hémochromatose de Type 3 : Mutation du gène du récepteur de la transferrine de type 2
• Hémochromatose de Type 4B : Mutation du gène de la ferroportine

HC avec surcharge en fer par déficit de la fonction export de la ferroportine :
• Hémochromatose de Type 4A : Mutation du gène de la ferroportine
• Acéruléoplasminémie héréditaire

DIAGNOSTIC CLINIQUE DE L’HC DE TYPE 1

• Sujet caucasien
• Asymptomatique jusqu’à l’âge adulte
• Symptômes principaux : fatigue chronique, anomalies des ongles (ongles blancs, aplatis, incurvés), mélanodermie de la peau et des muqueuses
• Ce sont les problèmes ostéo-articulaires qui révèlent le plus souvent la maladie avec l’atteinte typique des petites articulations distales de la main voire du poignet, de la hanche, du genou ou de l’épaule.
• Plus tardivement peut apparaître un diabète, des troubles sexuels, des troubles du rythme ou insuffisance cardiaque.

DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L’HC DE TYPE 1

Ferritine

Dans l’hémochromatose, l’hyperferritinémie ne se constitue qu’après une longue phase d’élévation du CS-Tf.
Autrement dit, une hémochromatose, si elle s’associe toujours à une augmentation du CS-Tf, peut s’accompagner
d’une ferritinémie « normale ».

 

Autres circonstances d’élévation de la férritinémie :
Une hyperferritinémie n’est pas systématiquement associée à une surcharge en fer, et il faut éliminer :
• Un syndrome métabolique : l’hyperferritinémie est généralement modérée (<500ug/L) avec CS-Tf normal
• L’inflammation : il y a un intérêt à coupler le dosage de la ferritine avec celui de la CRP. Dans cette situation la sidérémie et le CS-Tf sont le plus souvent diminués.
• L’alcoolisme
• La cytolyse hépatique, musculaire ou globulaire : l’interprétation d’une hyperferritinémie nécessite de disposer d’un dosage des ASAT, ALAT et NFS

 

Coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf)

Il est le marqueur de routine le plus précoce de l’hémochromatose. Dans l’hémochromatose, le CS-Tf est souvent supérieur à 60% chez l’homme et à 50% chez la femme ; il peut atteindre les 100%. Tout résultat > 45% doit être confirmé sur un deuxième prélèvement.

Autres circonstances d’élévation du CS-Tf :
Hypersidérémie
Augmentation du CS-Tf par augmentation de la sidérémie (transfusion, supplémentation parentérale, cytolyse)
Hypotransferrinémie
Malnutrition, fuites protidiques, insuffisance hépatique

 

Un examen clinique prenant en compte les paramètres biométriques, une appréciation de la consommation d’alcool, et la prescription des quelques examens biologiques (NFS, ASAT,ALAT, CRP, CS-Tf) permet d’aboutir au diagnostic étiologique dans la plupart des cas d’hyperferritinémie.

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Recherche de la mutation C282Y du gène HFE1 (rappel de la NABM – Hémochromatose)

La prise en charge par l’assurance maladie est assurée dans le cadre :
individuel : à la suite d’un bilan général, au cours duquel une augmentation du coefficient de saturation de la transferrine est observée (CS-Tf supérieur à 45%, confirmé sur un deuxième prélèvement).

familial : chez les sujets ayant un parent au premier degré porteur de la mutation C282Y à l’état homozygote, à l’exclusion des sujets mineurs et des mères ménopausées, ou ne désirant plus avoir d’enfant.

Cette prescription doit être accompagnée d’un consentement du patient et d’une attestation de consultation.

PRISE EN CHARGE DE L’HÉMOCHROMATOSE HFE

HAS 2005 prise en charge de l hémochromatose liée au gène HFE – RFL N°553 Juin 2021 : Hémochromatoses Natle – Recommandations SNFGE et Centre National des Hémochromatoses
Source : “Hémochromatoses : un monde en pleine mutation” Bull. Acad. – Natle Méd., 2016, 200, no 2, 309-325, séance du 16 février 2016

 

Télécharger la lettre d’info « L’hémochromatose »

 

Auteurs : Dr Geneviève Roth et Dr Bruno Guesnon – Biologistes Ouest Biologie à Saint-Malo/Avranches et Dol-de-Bretagne (35)